"Le désordre fiscal, c'est Sarkozy"
Ségolène Royal répond au président qui dénonçait vendredi la "folie fiscale" des régions socialistes. Elle accuse un Etat "impécunieux" de ne pas être à la hauteur des enjeux.
Paru dans leJDD
Pour la présidente de la région Poitiou-Charentes, Nicolas sarkozy est, une nouvelle fois, dans l'excès. (Reuters)
Nicolas Sarkozy a-t-il des raisons de dénoncer la "folie fiscale" des régions socialistes?
Une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy est dans l’excès. "Folie fiscale",
ça ne devrait pas être le vocabulaire d’un chef d’Etat. Il a voulu
lancer la campagne des régionales de la droite, après avoir évité le
congrès des maires, mais il le fait de la pire des manières. Le
véritable désordre fiscal, c’est Nicolas Sarkozy, il faut le chercher
du côté de l’Etat et de ce gouvernement. C’est le bouclier fiscal, les
22 taxes créées depuis le début du quinquennat, la multiplication des
niches, un endettement jamais vu... Ce qui est sidérant, c’est la taxe
carbone imposée aux français qui la rejettent massivement, ou la
suppression brutale, à l’aveugle, de la taxe professionnelle. Cela
fragilise les collectivités locales et les territoires qui sont
l’identité même de la France. C’est ce désordre fiscal et
institutionnel qui pousse les élus à la révolte contre l’Etat…
Mais l’augmentation des impôts locaux est une réalité?
Moi,
je n’ai pas augmenté les impôts depuis 5 ans, j’ai au contraire
supprimé les mauvaises dépenses engagées par les équipes de droite.
Mais il y a des socialistes qui augmentent les impôts, comme Bertrand Delanoë à Paris avec une hausse de 8 %!
Des
socialistes, certes, mais aussi de nombreux présidents de conseils
généraux de droite comme celui de Charente Maritime par exemple, qui a
augmenté ses impôts de 26% en quatre ans. Jean-Pierre Raffarin avait
augmenté les impôts de 100 % lorsqu’il était arrivé à la tête de la
région! Les collectivités locales affrontent des difficultés parce
qu’elles doivent faire face à des transferts de charges sans
compensations fiscales. Un Etat mal géré, impécunieux, dont la dette
atteint 80% du PIB, veut se défausser sur le dos des collectivités
locales !
Il y a une explosion du nombre de fonctionnaires territoriaux…
Je
conteste le terme. Dans ma région, j’ai augmenté le nombre de
fonctionnaires, mais parce que nous avons supprimé toutes les
associations périphériques, qui exerçaient des missions régionales sans
aucun contrôle. J’ai rationalisé.
Mais dans les autres régions socialistes, ça existe?
Je ne
veux pas comparer avec les autres, je ne connais pas leurs contraintes
locales, toutes les régions ne se ressemblent pas. Mais c’est vrai que
j’ai eu un conflit avec un vice-président qui voulait augmenter les
impôts locaux, nous en avons débattu et notre majorité a refusé.
«Il serait économiquement injuste d'augmenter les impôts des Français tant qu'on ne revient pas sur le bouclier fiscal»
Faudrait-il augmenter globalement les impôts en France pour réduire le déficit?
Il
faut d’abord remettre de l’ordre dans la fiscalité. Et il serait
économiquement injuste d’augmenter les impôts des Français tant qu’on
ne revient pas sur le bouclier ou sur la dette. Quant au déficit, il
est aussi creusé par le ralentissement économique…
Vous demandez donc une relance?
Le problème, c’est le rôle de
l’Etat, la manière dont il est mené. Mauvaises dépenses, cadeaux faits
aux riches, et absence de politique volontariste. J’attends de l’Etat
qui fasse des efforts en terme de dépenses publiques,
d’industrialisation, d’investissement économique ! Nicolas Sarkozy a
créé un « fonds d’investissement stratégique » : on n’a jamais vu une
bureaucratie aussi lourde. La première voiture électrique française est
faite chez nous, en Poitou -Charentes. C’est la région qui a dû
garantir les prêts ! Heuliez va réussir. Mais si on avait eu la
puissance de l’Etat, on aurait sauvé toute la filière automobile avec
la voiture électrique. Il y a un paradoxe : l’Etat s’en prend aux
régions mais en même temps, il leur demande de financer des dépenses
qui sont de sa responsabilité.
Par exemple?
Le financement des lignes de TGV, le financement des routes nationales.
Vous êtes aussi paradoxale : vous revendiquez votre expérience
régionale, vos initiatives, mais on a l’impression que vous voulez une
recentralisation?
Un pays, c’est la mobilisation des énergies, y
compris territoriales au service de l’intérêt collectif. L’Etat doit
appuyer les territoires et impulser les grandes politiques. Les régions
doivent repérer les besoins et répartir les aides au plus près du
terrain, créer des synergies locales, des pôles de compétitivité. Mais
l’Etat doit retrouver une direction qu’il a perdue.
Les régionales approchent. Etes-vous menacée en Poitou-Charentes?
Mes
adversaires ne le pensent pas (rire). C’est toujours important l’avis
de ses adversaires. Vous me connaissez, je fais les choses bien, de
façon appliquée. Je m’apprête à mener campagne sereinement en portant
fièrement l’énorme travail accompli.
La querelle avec Vincent Peillon ne vous a pas abimée?
Ici,
les gens font la différence. Ce qui les intéresse, c’est la réalité
locale. 99 % des délibérations de la région ont été votées par la
droite. Je mène des actions très fédératrices. Rien n’est abîmé. Au
contraire, les gens se ressoudent de façon inimaginable. Dimanche
dernier, tous les élus étaient autour de moi. En 2004, un quart des
élus me soutenaient ! On se serre les coudes, les gens n’ont pas envie
que la droite revienne. Ceux qui pensent pouvoir m’abîmer aux
régionales en seront pour leurs frais.
Cécile Amar - Le Journal du Dimanche
Samedi 21 Novembre 2009