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Ségolène 2010
10 janvier 2010

Quelle nouvelle taxe carbone en 2010 ?

 

 

L'écologie n'est pas une punition !, par Ségolène Royal



Ainsi donc, la taxe carbone était morte. Mais ce n'était en fait qu'un coma puisque nous saurons finalement en juillet à quelle sauce nous serons mangés. Voilà donc la réponse du gouvernement.

Malgré la censure du Conseil constitutionnel, écartée avec légèreté, malgré le rejet populaire massif, ignoré avec mépris, pour une simple raison : remplir les caisses que l'Etat a vidées. En clair, l'UMP utilise la décision du Conseil constitutionnel pour enjamber les élections régionales de mars et ainsi tenter d'esquiver la colère des électeurs, très vive en milieux rural et périurbain.

 

En juillet, on nous expliquera que l'échec du sommet de Copenhague impose d'accepter ce nouvel impôt douloureux. Quant aux puissants industriels dans la ligne de mire du Conseil constitutionnel, gageons qu'ilsseront in fine épargnés. Tout cela n'est pas sérieux et signe une véritable incompétence. Brisant le consensus, j'ai affirmé, dès le mois d'août 2009, que la taxe carbone était une mauvaise réponse à l'urgence écologique. Je n'accepte pas que l'écologie soit dénaturée et utilisée comme prétexte pour affaiblir un peu plus encore le pouvoir d'achat des Français en temps de crise.

 

Quant à l'efficacité écologique de cette taxe face à l'enjeu du réchauffement climatique, je la conteste. Qu'est-ce qui est en jeu ? Ni plus ni moins que la survie de l'espèce. Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous poursuivons sur la voie d'un mode de vie insoutenable, dont nous savons tous qu'il provoquera à brève échéance un véritable "écocide".

Soit nous changeons radicalement de comportement. Il faut donc agir sur tous les leviers pour réduire les émissions de CO2, organiser la conversion massive de la production au changement énergétique, afin de nous proposer un mode de consommation sobre car nous sommes prêts à modifier nos comportements si on nous donne les moyens de le faire.

Ce n'est malheureusement pas la voie qui a été suivie en France. Avec la taxe carbone, le gouvernement a pris la responsabilité de décourager des millions de familles. Et là où il aurait fallu être à l'écoute du plus grand nombre, il n'y a eu que connivence consistant à exonérer de l'impôt les grandes firmes à l'origine des principales pollutions industrielles. Je le maintiens : la taxe carbone est un impôt injuste pour toutes celles et tous ceux qui n'ont ni le choix ni les moyens de prendre les transports en commun, d'acquérir un véhicule électrique ou de changer de chaudière.

Je n'ai jamais pensé que l'écologie devait se défendre par la punition. Elle doit se défendre par l'impulsion, par l'orientation et l'envie de participer à un projet de civilisation. C'est ce que l'Assemblée des régions à laquelle je participais a mis en avant à Copenhague, sachant que 80 % des actions le sont à un niveau infranational. Dès le départ, le débat a été vicié par les approximations qui ont entouré le projet. On a pensé que le terme de "fiscalité écologique" rendrait l'imposture inattaquable.

Que la "mode verte" obscurcirait notre jugement et notre faculté de discernement. C'était tenir en bien grand mépris et l'écologie et les citoyens. Il faut choisir : soit la taxe est destinée à modifier des comportements et son rendement tend vers zéro, les contribuables ayant réellement la possibilité d'arbitrer entre payer et changer de mode de consommation. Soit la taxe se substitue à un autre prélèvement et c'est alors avouer qu'elle est bien destinée à produire des recettes.

En prétendant que la taxe carbone avait vocation à se substituer à la fiscalité sur le travail, le gouvernement n'a pas pu cacher la nature profondément libérale de ce nouvel impôt, au diapason de sa politique fiscale globale.

Face à ces errements, il est possible d'opposer une conviction : la révolution verte ne se fera pas contre le peuple, mais avec lui et pour lui. La révolution verte, c'est le développement des éco-industries, d'une agriculture biologique, l'extension des énergies propres, la recherche d'une plus grande sobriété, l'investissement dans les éco-industries mais aussi la création de principes budgétaires justes et efficaces appliquant réellement le principe pollueur-payeur.

Ministre de l'environnement, j'ai créé dès 1992 la taxe sur les déchets et l'éco-emballage, deux exemples de taxes écologiques efficaces et créatrices d'emplois. La fiscalité n'est évidemment pas le seul système pour réduire les émissions de gaz carbonique. La puissance publique peut aussi recourir à la réglementation (interdiction de dépasser un seuil de pollution par exemple) ou aux incitations. L'impôt n'est qu'un outil parmi d'autres pour tendre vers l'ex-cellence environnementale et l'écologie ne doit jamais être un prétexte pour réduire le pouvoir d'achat.

En tout état de cause, trois principes intangibles doivent présider à la création d'une fiscalité verte. Elle doit d'abord être efficace. Elle doit pour cela s'appuyer sur le libre choix laissé au contribuable et être postérieure à une offre de qualité en transports en commun et voitures propres. Elle doit ensuite être juste. Non à un impôt sur les déplacements du périurbain et des zones rurales. Non à un impôt sur les plus modestes.

Mais oui à une taxe pour Total, qui réalise des bénéfices exceptionnels (13,9 milliards d'euros en 2009 ) et qui profite des hausses d'émissions de gaz à effet de serre. Oui à une baisse de la TVA sur tous les équipements et produits propres. Oui au bonus-malus, sur le modèle du bonus automobile, dont nous avons tous constaté le succès fulgurant. Elle doit enfin être accompagnée d'actions concrètes, concernant l'isolation des logements et plus largement la réduction de la consommation d'énergie.

La décision du Conseil constitutionnel donne au gouvernement la chance inespérée de prendre enfin la bonne direction. Il est encore temps. Sinon, nous serons dans une véritable impasse. Car c'est bien une autre civilisation qu'il nous faut inventer.

Les peuples y sont prêts. Ils sont en avance. Là est la lueur d'espoir entretenue, envers et contre tout, par Copenhague. A nous, responsables politiques, de nous placer à la hauteur des attentes pour mieux les accompagner sur un chemin à la fois difficile et porteur d'espoir.

   
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